Série Nocturnes

NOCTURNES (impasse Nièpce)



Nocturne °°° huile sur toile 100x100cm 2011




Nocturne 3 Acrylique sur toile 27x41cm 2011

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi quun encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans lair du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Charles Baudelaire, « Harmonie du soir »
Les Fleurs du mal (1857), Spleen et idéal



Cest un moment précieux, où le temps sarrête. Le  « quart dheure magnifique », comme aime à le dire Florent Contin-Roux, qui évoque aussi bien la rareté de ses moments de tranquillité, que la beauté de cet instant. Ce moment, on lappelle parfois lheure bleue : ce basculement du jour vers la nuit, tant prisé des artistes et des contemplatifs de toute sorte.
Pour lartiste, traversé par tant de tensions, se laisser aller à lharmonie du soir et tenter den capter la fugace magie, cest une irremplaçable respiration, un retour à la simplicité. Il faudrait sen tenir là, adopter la sagesse de Wittgenstein : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire[1] ». Nous ne sommes pas nyctalopes, mais nous sommes bavards, dincorrigibles bavards. Parler nous rassure, particulièrement à lapproche de la nuit.



 


Nocturne 4 Acrylique sur toile 18x24cm 2011/2012


 Nocturne 5 Acrylique et laque sur toile 40x40cm 2012

Cette série crépusculaire de Florent Contin-Roux, peintures et photographies mêlées, séduit dabord par sa délicatesse et sa poésie. Elle nous parle de ce moment de simplicité, dabandon presque, que le soir nous offre parfois. Cest dabord un hommage, hommage à la nuit, hommage à la pureté de cette couleur bleue. Cest aussi un hommage à Niépce, aux premières photographies, à ces tentatives, si émouvantes, de capter le réel. Hommage de circonstance, hommage au destin aussi bien, puisque cette série pour ainsi dire « vue de ma fenêtre » a été réalisée impasse Niépce, à Limoges, où vivait alors lartiste.
Comme chez Niépce, il y a quelque chose de balbutiant dans ces œuvres de Florent Contin-Roux, qui opère de fait une sorte de retour aux sources. Armé de moyens rudimentaires (photographies ordinaires retouchées à la peinture, sténopés numériques), il nous ramène à linnocence davant le langage, au nécessaire dépouillement devant lharmonie du soir. Bien sûr, la photographie a évolué depuis Nicéphore Niépce, mais elle se heurte toujours à ses limites. Il reste si difficile de retranscrire cette heure bleue, qui peut-être nexiste que dans l’œil du rêveur. Lartiste cependant y revient, insiste, laisse venir à lui ce bleu et tente den approcher la pureté. Devant le mystère de la nuit qui vient, il se fait novice, il se fait sentimental. Il y a beaucoup de tendresse dans ces œuvres du soir, et la peinture vient se poser comme une caresse sur la modeste photographie, comme une caresse et comme un drap contre la fraîcheur de la nuit qui monte. La peinture, comme souvent chez Florent Contin-Roux, est critique et commentaire de limage photographique, mais ici elle se pose davantage comme complice et sœur de la photographie, unies dans leur commune difficulté à dévoiler le monde.




Nocturnes 10x15cm 2 et 4 acrylique et encre sur photographie 2012 coll.faclim





Labandon et le dépouillement nempêchent pas linquiétude, lintranquillité. Lharmonie est fragile à cette heure-là, entre le chien couché à mes pieds et ce loup qui hurle au loin. Avec lapproche de la nuit, la sauvagerie nest jamais loin, et la pénombre apporte son lot de frissons. Que sont ces petites touches de lumière, signes rassurants de la civilisation ou présences mystérieuses ? Comme dans le poème de Baudelaire, cette tombée de la nuit est harmonie, mais aussi déclin et ruine :

                        « Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
                        Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
                        Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
                        Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. »

Limpasse Niépce nen était pas une, finalement. Florent Contin-Roux retranscrit avec justesse et retenue, tout à la fois cette beauté du soir, la difficulté de la décrire, et son ambivalence. À la fin, on ne sait pas sil a pu saisir ce bleu, mais il a su en capter la fugace splendeur.

Jean Poussin, juillet 2015.


[1] « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence ». Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 1918.



 Nocturne 10x10cm 1 Acrylique et encre sur photographie 2012


Nocturne 10x10cm 2 Acrylique et encre sur photographie 2012 coll.faclim

 Nocturne 10 Huile sur toile  100x120cm 2014


Une série entre chien et loup, près de l'heure bleue, toujours en dialogue entre photographie et peinture. Ces nocturnes réalisées sur le site de l'atelier impasse Nièpce, (Il n'y a pas de hasard.), sont des instants que j'accorde totalement à la poésie et à la réflexion. Pertinence des lumières et des couleurs toujours changeantes, flash de quelques éclairages, traces de civilisation. Ces recherches me mènent aux limites de la photographie courante que je repousse par l'utilisation de l'encre et de la peinture. Ces deux médiums s'enrichissent ainsi continuellement.  FCR 2014